Soudan
En presque 30 ans au pouvoir, le président soudanais Omar el-Béchir a réussi à museler toute opposition, mais une organisation de professionnels s’est engouffrée dans la brèche et mène désormais une contestation nationale contre son régime.
Dans un pays en pleine crise économique, la décision du gouvernement de tripler le prix du pain a suscité une vague de colère auprès de la population et poussé médecins, ingénieurs et professeurs d’université à prendre la tête des manifestations.
Bien qu’elle soit relativement méconnue, l’Association des professionnels soudanais (APS) a réussi depuis plus d’un mois à faire converger des milliers de personnes dans les rues, y compris dans la capitale Khartoum.
Aux cris de “Liberté, paix et justice”, les manifestants appellent ouvertement à la chute du régime et, malgré la répression, les rassemblements se poursuivent depuis le 19 décembre.
Selon un bilan officiel, 30 personnes ont été tuées lors des manifestations. Des organisations de défense des droits humains comme Human Rights Watch et Amnesty International ont évoqué au moins 40 morts dont des enfants et du personnel médical. Vendredi, le principal dirigeant de l’opposition, Sadek al-Mahdi, a lui parlé de 50 morts.
Le pays “manque d’un leader aux niveaux politique, économique, sécuritaire et social”, a affirmé à l’AFP un porte-parole de l’APS, Mohammed Youssef al-Mustafa, à Khartoum.
Si le Soudan compte environ 100 partis politiques, aucun n’a aspiré à piloter le mouvement de contestation.
L’Association des professionnels soudanais a donc cherché à organiser les manifestations. Mais à la fin, “c’est le peuple qui guide”, souligne M. Mustafa.
Esprit de révolte
C’est en 2012 que 200 professeurs de l’Université de Karthoum se rassemblent au sein d’une association, incitant d’autres professionnels de la capitale à se regrouper de façon similaire, explique M. Mustafa.
Vétérinaires, pharmaciens, professionnels des médias, professeurs, avocats et autres ont ensuite créé leurs groupes, qui constituent depuis 2016 les huit principales branches de l’APS.
“Désormais, chaque ville a son rassemblement de professionnels”, assure M. Mustafa, qui précise que contrairement aux partis politiques, l’APS n’est pas structurée et ne comptabilise pas ses membres.
L’association “n’est pas reconnue par le gouvernement mais son organisation est conforme à l’article 40 de la Constitution”, qui stipule le “droit de réunion pacifique” et la “liberté d’association”, explique-t-il.
Chargée depuis des années de résoudre les problèmes des professionnels sous son égide, l’APS a acquis le mois dernier un rôle plus politique à mesure que la contestation a pris de l’ampleur dans la rue.
Elle a notamment annoncé les horaires des manifestations et organisé des marches vers le palais présidentiel à Khartoum, renforçant l’esprit de révolte.
Elle a même proposé la formation d’un gouvernement de transition en cas de départ du président Béchir, un départ appelé de ses voeux par le principal dirigeant de l’opposition, Sadek al-Mahdi.
“Le régime doit partir immédiatement”, a-t-il dit vendredi devant plusieurs centaines de fidèles dans une mosquée d’Omdourman, ville jumelle de la capitale Khartoum. “Une période de transition arrivera bientôt (…) Nous soutenons ce mouvement” de contestation.
“Confiance”
Pour le journaliste soudanais Fayçal Mohammed Saleh, qui remarque que les manifestations débutent toujours à l’heure indiquée par l’APS, “la façon dont les protestataires suivent ce groupe est étrange”.
“C’est une réussite pour cette association étant donné que les manifestants ne savent même pas qui en sont les principaux dirigeants”, estime-t-il. “Ils leur font juste confiance”.
M. Mustafa assure qu’“il n’y a pas d’intention de faire de l’APS un parti politique”, précisant que de nombreux membres appartiennent déjà à des partis.
Mais depuis le 19 décembre, l’APS a joint ses forces aux principaux adversaires du président Béchir, au pouvoir depuis 1989.
Des groupes d’opposition, dont l’alliance des Forces nationales du consensus et Nidaa al-Sudan (l’Appel du Soudan), ont signé un document dont le principal objectif est le changement de régime.
Ce document présente aussi un projet pour l’après Béchir qui prévoit notamment d’enrayer le grave déclin économique et de rétablir le système judiciaire.
Et l’APS a signé un document avec le parti d’opposition al-Oumma, a annoncé l’opposant Sadek al-Mahdi, qui dirige ce parti.
Selon Mohamed al-Asbat, un autre porte-parole de l’APS résidant à Paris, l’association continuera à utiliser des moyens pacifiques pour provoquer un changement politique.
Pour lui, “la raison pour laquelle les gens se tournent vers nous est la capacité de l’association à préserver le calme et à communiquer sereinement”.
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